ARTICLE | Écrire des nouvelles (2/2) : Les Récits Sélénites

Dans mon précédent ARTICLE | Écrire des nouvelles (1/2) : "Le bazar des mauvais rêves" Stephen King, j'ai évoqué que certaines inspirations imposent d'aller droit au but.

Côté écriture, il s'agit également d'un excellent exercice qui permet d'apprendre à structurer efficacement un récit. Ce que je préfère, c'est qu'au détour des nouvelles, particulièrement lorsqu'elles sont regroupées en recueil, il est possible d'expérimenter une variété d'approches et de points de vue sur un même thème. On peut alors aisément changer d'univers, ce que ne propose pas l'écriture d'un roman, puisqu'une fois le genre et le cap fixés, il est généralement peu commode de changer du tout au tout.
Côté lecture, je trouve que le recueil satisfait aussi un besoin de nouveauté dans une même session, comme un sachet de bonbons dans lequel on pioche une nouvelle friandise après avoir fini la précédente.


La devise est : « Histoires de toutes sortes, naissent et s'assemblent dans Les Récits Sélénites ». J'imagine ces récits racontés par un barde (personnage qui figure d'ailleurs dans le Voleur de bonheur) qui sait faire rêver en délivrant les exploits d'autrui, aussi sombres que joyeux, aussi proches qu'éloignés, mais toujours mystérieux.

Le contexte : fantastique, onirique, mystère

Qu'est-ce qu'une écriture poétique si elle n'évoque pas un tant soit peu la rêverie ?
Qu'est-ce qu'un texte exploratoire s'il n'impose pas de lever le voile sur un mystère ?

Dans le premier volet « Quêtes, d'ombre et de lumière »...

... partez loin, plongez dans un univers onirique, voyagez dans la brume, découvrez des êtres peu communs, faites des rencontres inattendues. Laissez-vous emporter au gré de ce recueil de contes qui explore la recherche de sens et le changement, voulus ou non, dans une ambiance fantastique, poétique, métaphorique. (résumé)

Ce premier volet regroupe 4 nouvelles poétiques sous forme de contes. Au gré de ces courtes histoires, j'ai pu mettre en scène mon questionnement sur le changement, assouvir mon amour des mots et m'entraîner à les accorder comme des notes de musique. J'ai voulu servir ces aspects par une ambiance où les repères ne se positionnent pas nécessairement sur les personnages ou sur les lieux, mais sur l'idée de fond, le processus, l'épiphanie, l'espoir ou le non-espoir qui en résulte.

Écrire de la poésie n'est pas aisé, mais un texte poétique est encore plus difficile, car tout en narrant, il convient d'accorder les mots pour leur donner une belle sonorité
(j'aime à le croire en tous cas :). Sans compter l'impératif de leur donner un sens profond, voir plusieurs. Je n'ai pas choisi ces contraintes, elles se sont imposées seules face à la manière dont je les pensais en les écrivant. Avec le recul, je me rends compte de la rigueur qu'à requis cet exercice.


C'est l'un des plus beaux retours que j'aie reçu jusqu'ici. Cela signifie que d'une part, la longueur du texte ne compromet pas la consistance du fond, et d'autre part, qu'il donne suffisamment de latitude au lecteur pour qu'il se l'approprie selon sa propre perception et sensibilité.

L'obsession du Mal

Ici, comme dit Stephen King, j'avais l'anse mais pas la tasse. L'image de ce Mal incarné et personnifié, ainsi que les premiers mots de la narration sont venus seuls comme une musique, une épopée. Puis, l'histoire s'est développée. En voici le début :

« Il était né de la haine, de la méchanceté et de la destruction engendrée par les hommes du temps des grandes guerres. À chaque décennie, il avait gagné en force et s’était manifesté lorsque le monde était sur le point d’être réduit à néant, pour dominer le royaume. C’était le Mal. Ainsi se nommait-il.
Il avait l’apparence d’un homme mais personne ne le connaissait vraiment car personne n’avait jamais vu son visage, s’il en avait un. Parfois, on pouvait néanmoins apercevoir sous la capuche de son long manteau sombre, une masse noire opaque, qui se fendait d’un sourire terrifiant. Ainsi paraissait-il.
Il avait soumis tous les villages et leurs habitants à son autorité, leur faisant parfois subir les pires atrocités simplement pour se divertir. Des hommes perdaient la vie dans des tournois de la mort, et la plupart des femmes en partageant sa couche. Il exigeait régulièrement que l’on fasse venir des esclaves pour satisfaire ses besoins personnels. Aucune de celle qui était désignée ne pouvait en réchapper, à moins qu’elle ne possède un talent satisfaisant aux yeux du Mal, permettant ainsi à la chanceuse d’échapper à la mort et de devenir sa servante, un sort légèrement plus enviable. Ainsi régnait-il.
Un jour, alors qu’il faisait passer ces auditions d’avant-mort, arriva le tour d’une jeune fille frêle et pâle. La tête baissée, elle s’avança vers l’emplacement qu’on lui imposait. Au regard de sa corpulence, le Mal rit aux éclats et avec mépris, puis ordonna de voir son visage. Elle releva la tête mais on ne le voyait pas. Ses cheveux sales collés entre eux pendaient devant sa mine maculée de crasse. »


Une vie de rêve

Ce texte a été le plus compliqué à construire. Tout simplement parce qu'en tant qu'auteure comme le personnage principal, j'avais naturellement envie d'en dire beaucoup sur cette expérience. Je me suis obligée à faire le tri pour me focaliser sur une idée bien précise et la mettre en scène.

« Assis à son bureau, à la lumière de sa lampe, il alignait des mots, et composait des phrases sans queue ni tête. Son esprit était vide. Le trou noir. Il ratura avec irritation les non-sens griffonnés sur sa feuille, la chiffonna et l’expédia dans sa corbeille débordante. La boule de papier rebondit sur le tas et se joignit aux autres sur le sol. Il prit alors conscience du désordre qui régnait dans son appartement : le parterre de feuilles froissées, ses vêtements disséminés partout, les meubles poussiéreux dont sa bibliothèque. Sur ses étagères chargées, somnolaient des volumes qu’il considérait précieusement, puisqu’il les avait écrits. En contemplant leur tranche raffinée, il repensa à quel point il avait eu plaisir à les concevoir. Mais cela, c’était avant. Avant que par ironie du sort, son don ne s’endorme lui aussi. »


Le voleur de bonheur

Le bonheur, dit-on, est la quête ultime de l'Homme ? Or, on raconte aussi qu'un voleur s'en accapare.
Que reste-t-il alors ? Et qui est-il ?

«  Il est un homme bizarre,
Qui le jour ou le soir,
S’empare d’un trésor,
Bien plus précieux que l’or.

Sur ces derniers mots, le ménestrel brandit son instrument et reprit sa partition avec plus d’entrain, les spectateurs l’accompagnant en tapant des mains, puis s’interrompit de nouveau.

On dit partout qu’il erre,
Car il n’a pas de terres,
Mais cette richesse-là,
Il ne la cherche pas.  »


L'enfant

« Cette nouvelle m'a presque émue aux larmes » commentaire de la chroniqueuse Tiger's books

Perdre l'être aimé et après des années en percevoir la réminiscence au détour des traits d'un enfant inconnu... Jusqu'où est-on prêt à aller pour avoir les réponses ? L'espoir transcende-t-il les années ? La perte ? Les peurs ? Et même l'étrange ?

« L’enfant sourit. Il avait fait un voyage peu commun pour la trouver. Cette maison à la lisière d’une forêt de pins, perchée sur les hauteurs du port de la ville. Une lumière filtrait à travers un volet, un rai chaud dans l’obscure clarté de l’aube, tandis que le chant claironnant d’un coq provoquait un remue-ménage dans le poulailler. Il s’approcha de la masure dont la porte d’entrée s’ouvrait. Une dame plus toute jeune en sortit, et c’était elle qu’il était venu rencontrer.
Cette dernière s’immobilisa en voyant la silhouette de l’enfant non loin du pas de sa porte. Elle plissa les yeux pour mieux cerner ses traits. Il s’avança. »


Découvrir
 

Pour vous immerger dans la nouvelle édition de ce recueil dépaysant (qui compte un récit supplémentaire L'intrus de Noël), rendez-vous sur Amazon !

Qu'en est-il du deuxième volet à venir ?

Les Récits Sélénites volet 2, s'inscrira dans la continuité du premier, mais aura une approche fantastique sombre. L'atmosphère sera toujours mystérieuse et la dynamique poétique légèrement différente.

L'écriture se poursuit à bon rythme, et l'inspiration pour le visuel est là. J'ai hâte de vous en dire davantage, le moment venu ! En attendant, pour vous plonger un peu plus dans l'ambiance...





Pour aller plus loin

Entretien avec Stephen King dans La Grande Librairie
N'ayant pas retrouvé le lien de la vidéo officielle, je ne vous propose donc pas de lien direct. Toutefois, elle est disponible sur Youtube.

Merci d'avoir lu mon partage sur l'écriture de nouvelles :) J'espère qu'il vous a plu. N'hésitez pas à le commenter et/ou le diffuser. Retrouvez également tous mes focusarticles et œuvres en cliquant dessus.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

©2017 selenederose.com. Tous droits réservés. Fourni par Blogger.