FOCUS | Savons-nous vraiment lire ?



Cette question paraît un peu étrange, non ? Techniquement, nous avons tous appris à lire depuis notre jeune âge. Plus encore, ceux qui ont conservé la passion des livres dévorent les histoires et partagent leurs avis avec leurs amis, les internautes ou dans des clubs de lecture. Justement, en discutant de certaines de mes lectures, mais aussi d'autres styles d’œuvres, j'ai pu les appréhender différemment de mon impression initiale. Un renouveau dans ma façon de les comprendre qui parfois a changé mon avis négatif ou mon indifférence, en avis très positif ! La problématique suivante a ainsi émergé : Lisons-nous vraiment ce qui nous est proposé, ou lisons-nous nos attentes ?

Ne vous est-il pas arrivé de dire : "Ce livre est nul", "l'auteur(e) raconte n'importe quoi", "ça n'a pas de sens" ? Mais si l'on change de point de vue, n'est-il pas possible que ce soit nous qui n'ayons pas compris le contexte, le message, le vrai sens, le processus. En gros, le parti pris d'écriture ?


Pour illustrer cette réflexion, je vais prendre le cas d'une discussion que j'ai eue avec une amie sur 50 nuances de Grey (chacun a son avis sur le sujet et il n'est pas question ici de juger mais de prendre du recul).

Mon amie se plaignait d'Anastasia qu'elle trouvait nunuche, coincée, pas assez ouverte, ni extravertie. Étant moi-même auteure, je lui ai donc évoqué que ce personnage et ses caractéristiques étaient peut-être un postulat de départ, qui donne lieu à une évolution au fil du récit. Et cette évolution est justement de s'épanouir, de se découvrir sous différents aspects (peu importe la pratique, là n'est pas la question).

Au fil de la discussion, j'ai pu remarquer autre chose d'important : la situation de mon amie était en décalage avec le personnage principal et la période de vie dans laquelle Anastasia évolue.
N'étant plus dans la même tranche de vie avec les caps et les réactions qui vont avec, elle avait du mal à supporter l'héroïne. J'ai alors demandé à mon amie si elle se souvenait d'elle-même à la même période. À ce moment, elle a fait un saut en arrière, et là, a pu se rapprocher d'Anastasia.


Du coup, mis à part les goûts, incontestables, je me dis humblement que parfois nous n'aimons pas parce que nous ne comprenons pas toujours. Soit parce que ce n'est pas encore ou plus le moment, soit parce que nous ne sommes pas en phase avec le sujet, soit parce que la vision de l'auteur(e) nous est passée sous le nez.

Bien sûr, il ne s'agit pas de tomber dans l'autre extrême et finalement de dire que tout est beau ou bien fait. Si vous n'avez pas aimé, ou si vous estimez que la promesse de lecture n'est pas tenue, vous en avez le droit. Mais comme dit le proverbe "il faut tourner 7 fois sa langue avant de parler", ne vaudrait-il pas aussi "penser 7 fois à une oeuvre avant de rendre son verdict" ? Je me dis qu'il serait intéressant, particulièrement pour les chroniques, d'exprimer son avis immédiat (ce que l'on fait le plus souvent), de continuer à y réfléchir, puis d'y revenir pourquoi pas 7 jours plus tard, afin de différencier le ressenti (ce que l'on exprime à chaud) et l'analyse (à froid, avec une prise de recul suffisante).


En fin d'article, vous trouverez des pistes permettant d'analyser une oeuvre pour ce qu'elle est, notamment à travers des exemples ludiques de romans décortiqués par J.P Depotte, suivant la méthode en 4 points (message, milieu, style, fiction).

Si vous connaissez cet outil, qu'en pensez-vous ?



Conclusion

Dans mon interview à l'Etudiant Autonome, j'avais confié à la journaliste Aliénor Pérignon que je laissais régulièrement reposer mes textes reposer avant d'y revenir. Elle avait qualifié ce processus d'aération. J'ai beaucoup aimé ce terme.
En somme, il me semble qu'avant de rendre un avis définitif, aérer son appréhension d'une oeuvre est essentiel, et surtout, en discuter pour élargir sa vision de lecture est un bon moyen d'en saisir tous les tenants et aboutissants.

Qu'en pensez-vous ?


Pour aller plus loin

Je vous invite vivement à découvrir "L'Alchimie du roman" de J.P Depotte à travers les exemples ci-dessous.
Le portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde

Orgueil et préjugés de Jane Austen

La playlist complète de romans décortiqués démarrant avec
22/11/63 de Stephen King


Maintenant, une réflexion complémentaire et très intéressante sur la consommation littéraire actuelle.

> Pile à lire, la quantité au détriment de la qualité
http://www.laplumederable.ca/pile-a-lire-quantite-detriment-qualite/


Pour aller plus loin : côté auteur(e)
Tergiversations de l'auteur(e) face au désir de satisfaire ses lecteurs.

> Écrire, oui, mais pour qui ?
https://anaisw.com/ecrire-pour-qui/

> Écrire pour soi ou pour les autres ?
https://www.youtube.com/watch?v=4HxxczU8f3g ou ci-dessous.


Vous avez aimé ce focus ? N'hésitez pas à me le dire en commentaire et/ou le partager avec vos amis :) Retrouvez également tous mes focusarticles et œuvres en cliquant dessus. Merci de m'avoir lue et à bientôt !


4 commentaires:

  1. Parfois l'auteur et le lecteur ne se comprennent pas, mais c'est comme dans n'importe quel échange dans la vie. Et je pense aussi que l'appréciation d'un livre dépend beaucoup de notre état d'esprit du moment

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    1. Merci pour votre commentaire Patrick :)
      Effectivement dans tout échange, il peut arriver qu'on ne comprenne pas l'autre. Mais souvent, quand on laisse décanter un avis, une impression, on y voit souvent plus clair, parfois même, à des lustres de notre vision à chaud. On change de perspective en somme. Et si l'on ne le fait pas soi-même, ce sont les autres qui le font pour nous ou avec nous. A travers leur propre analyse ou vision, on comprend peut-être mieux ce qu'on n'imaginait même pas avoir manqué. Et oui, je suis d'accord, l'appréciation d'un livre dépend de l'état d'esprit du moment, ce qui me semble être relié au problème de timing évoqué dans l'article.

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  2. J'ai l'impression que c'est un problème de plus en plus fréquent, même dans les discussions de la vie courante : on ne cherche plus à entendre ce que dit l'autre, mais à vérifier qu'il est bien d'accord avec nous, on cherche à retrouver dans son discours nos propres mots. C'est très embêtant parce que la littérature sert précisément à ça : à aller voir comment ça se passe dans la tête de quelqu'un d'autre, à sortir de soi...

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    1. Merci Eva pour ce commentaire qui élargit davantage le sujet de l'article. Il me semble aussi que nos modes de vie modernes exacerbent ce mode de fonctionnement. Après aucun de nous n'est infaillible, mais au moins, être conscient de ce fait est déjà un bon début :)

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