Les nuages formaient une nappe de coton gris dans le ciel.
Je volais au-dessus d’eux, sans rien éprouver. Car le vide n’éprouve rien. Mon
cœur semblait figé dans ma poitrine, engourdi, desséché. Quand notre histoire
s’était-elle étiolée à ce point ?
Ressasser ne m’était d’aucune utilité et importait si peu
désormais, puisqu’il avait choisi un autre chemin. En cet instant, il foulait
sans doute gaiement la surface du monde loin en contrebas, mais pas le mien,
depuis plus longtemps que je ne voulais l’admettre. Je songeai à quel point
j’avais été stupide, non pas de l’aimer corps et âme, mais de croire notre voie
toute tracée jusqu’à en oublier les écueils du destin. Qu’allais-je faire
désormais ? Comment exister de nouveau quand ma vie tournait autour de lui ?
quand ma vie était lui ?
Aucune perspective ne se dessinait dans mon esprit éteint. Seul
mon pilote automatique se chargeait de me guider vers la destination qui
pourrait un tant soit peu réchauffer mon être. Me ranimer, peut-être.
Sur le tarmac, l’air chaud et humide se colla à ma peau et alourdit
d’un coup mes boucles caramel malgré leur volume naturel. Pendant quelques
secondes, j’eus du mal à respirer avant de m’habituer à l’humidité ambiante. Une
sensation presque oubliée sous cette latitude à la fois exotique et familière. Au
gré des intonations chantantes de ma langue natale, j’indiquai au chauffeur de
taxi mon point de chute balnéaire. Mes avoirs me permettaient un pied à terre
des plus confortables face à la mer, mais aussi importants furent-ils, ils ne
dissipaient pas mon chagrin.
Une semaine s’était écoulée depuis mon arrivée. Des jours de
pure errance. En pleine nuit, sur la plage d’Ipanema, j’avançais, seule, tongs
en main, marquant le sable de mon empreinte aussitôt effacée par l’incessant reflux
de la mer. Les alizés amenaient des odeurs fraîches et salées du large, tout en
faisant danser ma robe longue et les franges de mon châle. À défaut de me
sentir revivre, un intense apaisement me gagnait. J’aimais l’océan depuis
toujours. Alors, qu’il m’emportât à jamais dans son immensité. Je jetai un
dernier regard autour de moi. Le coin était plutôt tranquille. La saison
estivale venait à peine de démarrer et l’activité touristique naissante se
concentrait autour des commodités de bord de mer. Les immeubles, dont l’hôtel
dans lequel je logeais, jalonnaient la côte toujours prêts à accueillir les
visiteurs comme moi, désireux d’une vue imprenable sur l’Atlantique. Plus loin en
surplomb, le Grand Sauveur éclairé depuis son socle, ouvrait largement les bras
à la baie. Hélas, il ne pouvait me secourir.
Décidée à ne faire plus qu’un avec l’océan, je reportai à nouveau mon regard vers sa vastitude. Un surnageant fluorescent me surprit et réfréna mon élan. Une lumière entre bleu et vert qui passait presque inaperçue au milieu des reflets projetés par les éclairages ambiants. Celle-ci n’avait cependant rien à voir. Elle était de toute beauté. Captivante. La source, de plancton sans doute, s’intensifiait un peu plus loin, près d’une motte d’algues brunes accumulée sur la rive. Je relevai le bas de mon habit et du bout du pied, chatouillai l’eau pour stimuler le nuage de particules et le pousser à s’illuminer davantage.
Décidée à ne faire plus qu’un avec l’océan, je reportai à nouveau mon regard vers sa vastitude. Un surnageant fluorescent me surprit et réfréna mon élan. Une lumière entre bleu et vert qui passait presque inaperçue au milieu des reflets projetés par les éclairages ambiants. Celle-ci n’avait cependant rien à voir. Elle était de toute beauté. Captivante. La source, de plancton sans doute, s’intensifiait un peu plus loin, près d’une motte d’algues brunes accumulée sur la rive. Je relevai le bas de mon habit et du bout du pied, chatouillai l’eau pour stimuler le nuage de particules et le pousser à s’illuminer davantage.
Quelque chose empoigna ma cheville. J’agitai la jambe comme
une folle pour me dégager et fis plusieurs pas en arrière, chamboulée par cette
soudaine étreinte non identifiée. Les laminaires se relevèrent, laissant
apparaître dans leur ombre deux iris luminescents.
—
Deus do céu ! (Dieu du Ciel) soufflai-je.
Dans mon geste de recul, je m’emmêlai dans ma robe estivale
et retombai sur les fesses, ahurie. Les deux prunelles hors du commun
demeuraient braquées sur moi. La chose balbutia « ajud… » (aid…), puis
s’écroula de nouveau dans le sable.
Je constatai alors qu’une trace scintillante persistait sur
ma cheville à l’endroit du contact. Une empreinte de main. Plusieurs secondes
s’écoulèrent avant que je ne rassemble mon courage et me décide à aller de
l’avant. N’étais-je pas en train de me mettre en danger ? Ne devais-je pas
plutôt alerter les autorités ? Sans doute.
Je m’approchai prudemment. À bout de bras, je dégageai le tas
de végétation marine qui dévoila la silhouette gisante d’un homme, à la peau abondamment
couverte de pigments lumineux. Je lui tapotai la joue. La brillance s’accentua
sous mes doigts. Ses yeux s’ouvrirent de nouveau.
En me voyant arriver avec l’inconnu, le réceptionniste se
précipita pour m’aider.
—
Non ! le repoussai-je. Ça va aller merci. Il n’est
pas lourd.
Et même, plutôt léger.
—
Dois-je appeler un médecin ? demanda naturellement
l’employé.
—
Ne vous inquiétez pas, ce n’est rien. Mon ami a trop
bu.
—
Très bien.
En chemin, nous ne nous étions pas fait remarquer outre
mesure. De toute évidence, les particularités de l’étranger disparaissaient
sous ses lumières plus vives, lui donnant l’air d’un homme tout à fait
ordinaire.
—
Avez-vous besoin de quelque chose ?
—
Hum, à vrai dire oui. Il lui faut reprendre des forces.
Faites monter deux feijoadas. Ah, rendez-moi un autre service. Pouvez-vous lui
trouver des vêtements ? Il s’est vomi dessus et dans son ébriété, s’en est
débarrassé je-ne-sais-où. En plus, il n’habite pas dans le coin alors… Enfin, heureusement
que je portais un châle, achevai-je en faisant allusion à son pagne improvisé.
Je feignis un rire pour rendre mon histoire crédible et
regagnai ma chambre.
Dans la pénombre de la pièce, un ténu halo se remit à émaner
du corps élancé de l’inconnu. Il semblait exténué. Ses paupières peinaient à
rester ouvertes. Que faire maintenant ?
—
De l’eau… marmonna-t-il.
Je me précipitai vers le minibar pour dévisser une bouteille
et avec précaution, je le redressai afin de l’aider à boire. À l’instant où le
liquide toucha ses lèvres, sa descente fut avide et rapide. La peau de l’étranger
s’illumina davantage. Un bon signe selon moi, qui sans que je ne puisse
l’expliquer, me soulagea. Lorsque le service d’étage apporta le nécessaire, je le
nourris petit à petit à la lumière d’une lampe de chevet. Il sombra ensuite
dans un sommeil visiblement nécessaire, tandis que des milliers de questions se
bousculaient dans ma tête, dont une en particulier : qu’avais-je secouru
au juste ? Cette interrogation tournait en boucle et pendant une bonne
partie de la nuit, je demeurai à observer le rescapé depuis mon fauteuil, à
l’autre bout de la pièce.
Je battis des paupières, pensant un instant avoir fait un
drôle de rêve, mais la réalité me rattrapa. L’inconnu, debout nu dans la
lumière de mi-journée, me scrutait de son regard turquoise et mystérieux. Je me
sentis tout d’un coup bien moins téméraire que la veille et me renfonçai par
instinct dans mon siège. Puis, je me souvins de l’acte bien plus grave que je
m’apprêtais à commettre vis-à-vis de moi-même et dont ce phénomène m’avait
détournée. Aussi incroyable que fut cette rencontre, pouvait-elle me porter
plus grand préjudice ? Peut-être pas. Étrangement, je repris de l’aplomb.
—
Je m’appelle Anna, déclarai-je. Et toi ?
—
Anthem.
—
Qu’es-tu ? Tu es bizarre… ta peau… brille dans la
nuit. Es-tu malade ?
—
Je suis un voyageur, venu de la mer, et avant ça, d’en
haut.
—
Je ne comprends pas.
—
Ma mission est de visiter ton habitat et d’établir un
lien avec ton espèce. J’ai atterrit cette nuit dans l’océan. Je devais me poser
ailleurs, mais en cours de route j’ai dû faire face des imprévus qui ont
affecté ma trajectoire. Mon système de guidage indiquait que ce milieu était le
plus propice à l’absorption de l’énergie accumulée lors de l’entrée dans votre
atmosphère. Tous les paramètres étaient favorables, excepté celui de la pesanteur.
Ma densité me permet de supporter les fortes pressions donc j’ai pu remonter
des profondeurs, mais le fluide agité m’a épuisé et une fois le rivage atteint,
la gravité m’a assommé.
Perplexe, je balbutiai :
—
Qu… Quoi ? D’en haut ?
—
Il y a quelques temps de cela, un objet inconnu
nommé Voyager a été détecté dans
notre périsphère. Il transportait une plaque pionnière contenant un message, des
informations sur la forme de vie qui l’avait émise, ainsi que sa localisation. Nous
ne pouvions passer à côté d’une telle découverte et des improbables similarités
avec notre propre espèce. Je me suis alors porté volontaire pour la mission
d’exploration, et me voilà.
—
Alors tu es venu pour… ?
—
Vous découvrir.
Je demeurai bouche bée, les yeux ronds. Tant de fondamentaux
chamboulés en quelques phrases…
Après un long moment d’hébétude, je pris les vêtements neufs
qui lui étaient destinés, empilés sur un coin du lit. Un t-shirt, un bermuda et
des tongs.
—
Tiens, enfile ça, et oublie Anthem. Anthonio conviendra
mieux. Je t’emmène connaître mon monde, mais à la condition non négociable que
tu m’en dises plus à ton sujet.
Quelques empadhinas, churrasco et autres mets hauts en saveurs
plus tard, je menai mon invité singulier à un point de vue que j’avais
jusqu’alors apprécié en contre-plongée. Depuis le Corcovado, aux pieds du Grand
Sauveur, je présentai à Anthonio, la baie de Guanabara, baignée d’un soleil
radieux, en lui détaillant les quartiers environnants et quelques éléments de
leur histoire. En secret, j’espérais repérer au fond de l’eau, l’engin qui lui
avait permis de traverser l’espace, mais l’Atlantique toujours aussi sauvage même
par temps clair, demeurait insondable. Pendant un instant, je doutai de cette
histoire et de son fondement.
—
La vue est très différente à la lumière du jour.
—
Je veux bien te croire, répondis-je en le scrutant. Où
se trouve ton vaisseau ?
—
Dans cette direction, très loin au large et en
profondeur. Ainsi, il est plus discret. Que fait-t-on maintenant ?
En fin de journée, décidée à lui montrer la vie locale, je
le menai dans une paillote au cœur d’un quartier populaire. L’endroit plutôt bien
éclairé, était animé par de la bossa nova, l’effervescence des cariocas, et en
fond, un léger ronronnement de groupe électrogène.
—
Duas caïpi, por fav (deux caïpirinhas, s’il-vous-plaît).
Resté à l’écart de la foule à ma demande, Anthonio observait
avec curiosité tout ce qui l’entourait.
—
Tiens.
—
Qu’est-ce c’est ?
—
Une petite partie d’ici.
À sa première gorgée, il grimaça. Je me surpris à sourire,
en aspirant moi-même le cocktail en parfait équilibre entre fraîcheur, rondeur
et acidité.
—
Au fait, comment se fait-il que tu parles ma
langue ?
—
Je m’en suis imprégné à ton contact.
—
En me touchant, tu veux dire ?
Il acquiesça.
—
Ma nature me permet d’absorber des informations et
capacités de toute sorte, entre autre, en fonction de mes besoins.
—
Et cette lumière qui émane de toi dans l’obscurité,
chuchotai-je, qu’est-ce que c’est ?
—
Mon fluide de vie. D’après la plaque pionnière, c’est
l’équivalent de votre sang. Mais contrairement à vous où il coule dans vos
veines, le mien est contenu dans chaque unité qui me compose et circule entre
elles par transfert.
—
Attend une minute. Cela voudrait dire que tu n’as pas
de cœur ?
—
Je n’en ai pas besoin.
Incroyable…
—
Que fait-on maintenant ? demanda-t-il.
L’air chaloupé de Garota
de Ipanema du célèbre A. Carlos Jobim, commença à attiser la flamme
citadine. Entre sensualité et mélancolie, on ne pouvait pas faire plus typique.
Idéal pour initier Anthonio à la chaleur de la musique locale. Je l’invitai à
danser. Déconcerté au début, il se laissa prendre au jeu avec enthousiasme et
s’accorda à mes mouvements. Plus nous nous touchions, plus vite il assimilait et
avant même le morceau suivant, nous évoluions en accord parfait. Les pistes
s’enchaînaient et mon partenaire novice se mit même à improviser en fonction du
rythme. À la fin de la soirée, nous nous amusions dans une totale insouciance. Tout
en moi, de mes boucles volumineuses à ma jupe à volants, virevoltait sans
retenue. Une bouffée d’oxygène inespérée au regard du chagrin qui m’avait
conduit à revenir à Rio.
Brusquement, un raclement douteux se fit entendre et toutes
les lumières s’éteignirent.
—
Olha isso ! O que é isso? (Regardez ça !
Qu’est-ce que c’est ?)
Dans l’obscurité inopinée, Anthonio luisait sous ses
vêtements à la vue de tous. Mon sang ne fit qu’un tour.
Où avais-je la tête,
la vie nocturne n’est pas appropriée pour lui !
Je l’attrapai par la main et l’entraînai dans des ruelles
voisines. Des voix et des claquements de chaussures nous talonnaient. Mon
objectif, rejoindre Ipanema pour le mettre en sécurité. Nous bifurquâmes un
nombre incalculable de fois, ce qui nous valut un petit temps d’avance. Dans
une rue adjacente, nous nous faufilâmes d’un coin étroit, sous une ampoule faiblarde,
mais opérationnelle. Les pas se rapprochaient. Trois ados nous surprirent, lui
dos au mur, moi contre lui. Par chance, l’éclairage se mit à briller vivement. Anthonio
retrouva alors à leurs yeux une apparence des plus communes, et face à notre
position quelque peu intime, les curieux s’éloignèrent. À peine furent-ils hors
de vue, que la lumière vacilla plusieurs fois et s’amenuisa. Un fracas métallique
nous alerta de nouveau, puis des miaulements incisifs mirent fin à mon
inquiétude. Un simple affrontement de chats de gouttière.
—
Ouf, ce n’était rien.
Anthonio opina et rangea l’une de mes frisettes avec douceur.
Son regard luminescent plongea dans le mien et j’eus tout d’un coup l’impression
de flotter dans l’espace. Sa paume vint se poser sur ma poitrine sous pression.
—
Deus do céu… (Dieu du Ciel)
Mon cœur battait. Il battait de nouveau.
Une vague lointaine déferla du fond de mon être. J’enlaçai Anthonio
et pris d’assaut ses lèvres venues d’ailleurs. Ne songeant plus à rien,
uniquement à l’instant, je partis à la conquête de cet autre univers. Mais
Anthonio réagit à peine. Je m’écartai alors de lui, confuse de ne pas susciter le
même élan qui m’avait soudain réanimé à son contact.
—
Excuse-moi, je n’aurais pas dû.
Il m’étreignit et d’un geste un peu hésitant, me rendit mon baiser.
Sa peau exhalait une odeur d’embruns terriblement envoûtante et laissait sur ma
langue un goût sucré, frais et citronné.
—
Je n’avais jamais ressenti cela auparavant, lâcha-t-il
dans un souffle profond. M’imprégner de toi est si grisant.
Je compris alors qu’il découvrait des sensations nouvelles à
mesure de notre rapprochement, et je ne pus que fondre devant ses prunelles
encore plus vives. Son corps singulier réveillait en moi un désir sans doute
inapproprié. Peut-être, prenais-je un risque plus grand que moi-même en allant
aussi loin, sans connaître toutes les conséquences de sa nature. Mais pour
l’heure, il m’était impossible de renoncer à ce moment. Après tout, mon pays d’origine
n’était-il pas un maître-lieu du métissage ? Peu importe d’où il venait,
qui nous surprendrait, ce qu’il adviendrait. Rien ne comptait plus, excepté nous.
***
Les vacances n’avaient plus rien de pareil. Toute ma vie
passée me semblait dépassée. L’été consommé à tes côtés à parcourir les
merveilles de la région, à danser au rythme de la bossa nova et de la samba, me
transportait. Oubliés les regrets, le chagrin. J’étais de nouveau heureuse tant
que tu étais là, tant que tu posais les yeux sur moi. Je revivais tant que tu
m’enlaçais, tant que tu me faisais l’amour, tant que tu m’ouvrais les yeux sur
l’univers. Nous nous étions secourus, imprégnés l’un de l’autre, et n’avions cessé
de nous enrichir mutuellement… jusqu’à ce que tu disparaisses. Sans explication,
sans laisser de trace. Mon monde s’écroula de nouveau. Jour après jour, je
scrutais le large dans l’espoir que tu me reviennes. Nuit après nuit,
j’arpentais la plage, en espérant renouveler notre rencontre impromptue,
imaginant des lueurs fluorescentes là où il n’y en avait pas. Qu’était-il
advenu de toi ? Qu’était-il advenu de nous ?
Je me rendis une énième fois sur la plage d’Ipanema, la rage
au ventre.
—
Anthonio ! N’étais-je qu’une humaine parmi tant
d’autres à découvrir ? Ai-je un tant soit peu compté pour toi ? N’as-tu
pas honte d’être parti sans moi ? hurlai-je à la mer de toutes mes tripes,
les larmes amères arrachées par la tourmente approchant. Tu n’as pas de cœur
Anthonio, tu n’as pas de cœur…
La bruine marine laissa place à une franche averse qui
s’abattit sur moi. Je serrai les poings et tournai le dos au large déchaîné, et
par conséquent, à ma colère. Tu n’en valais plus la peine. Nous avions vécu des
moments de rêve que jamais je n’oublierais. La passion qui était née entre nous
avait transcendé des frontières inattendues, mais tu n’étais plus là.
De retour à l’hôtel, je me séchai et me roulai en boule sous
les draps, tous rideaux tirés. En songes, je me mis à flotter dans une matrice
obscure. La pression y était importante mais supportable. Et tu apparus,
Anthonio, brillant de mille feux comme une nuée de lucioles.
—
Oh Anthonio ! Mon Anthonio… Je me rends compte que
la seule question que je ne t’ai pas posée est : combien de temps comptes-tu
rester ?
Sans mot, tu posas ta main sur ma peine et me souris avec
tendresse.
—
Pour toujours.
Sans ménagement, je fus aspirée vers l’arrière loin de toi,
arrachée de toi. Pourtant, ta lumière continua de m’éclairer jusqu’à ce que
j’émerge de ces fausses retrouvailles, en larmes, au milieu d’un véritable rayonnement.
Mon cœur s’emballa lorsque mon regard se posa sur lui. Ton cadeau.
En fin d’après-midi, je faisais découvrir à Thonio la baie en
contrebas pour le calmer. Il avait été si agité durant l’après-midi, qu’une
promenade sous la bienveillance du Grand Sauveur, ne lui ferait pas de mal. Bien
que du haut de ses deux ans, mon garçon ne fût pas encore en âge de comprendre,
je lui racontai chaque endroit de Rio que tu avais foulé, me remémorant
intimement nos souvenirs passionnés. Notre petit avait l’air d’apprécier. Je le
voyais à ses yeux turquoise expressifs. Les tiens, Anthonio. De jour comme de
nuit.
—
Rentrons mon trésor, il ne faudrait pas que l’on
remarque à quel point tu es extraordinaire.
Thonio ne m’écoutait plus. Son attention semblait retenue par
le ciel. Je levai moi aussi les yeux pensant que l’immense statue le captivait.
Des halos luminescents nous survolaient, puis, je ne sentis que le vide aux
creux de mes bras. Mon bébé n’était plus là.
—
Anthonio…
***
Le lendemain, dans le quartier d’Humaíta, une femme d’âge
mûr frappait à la porte de sa voisine.
—
Anna, c’est Luiza. J’ai fait des gâteaux pour Thonio. Anna,
tu es là ?
Personne ne lui répondit. Bizarre, pensa-t-elle, ils venaient
toujours en manger chez elle le samedi et lui tenir compagnie. Un tantinet
déçue, la mamie rentra chez elle, s’assit sur son balcon et déploya son journal.
À la une : « Étrange phénomène observé hier en début de soirée dans
le ciel de Rio de Janeiro. Des lueurs non identifiées ont été aperçues quelques
secondes juste en surplomb du Grand Sauveur avant de disparaître. Le
gouvernement soutient qu’il s’agirait d’un phénomène météorologique. Cependant,
cet évènement relance d’ores et déjà le débat : sommes-nous seuls dans
l’univers ? Quand bien même, d’autres formes de vie pourraient-elles faire
le voyage jusqu’à nous ? »
Mot d'auteure
L’amour de vacances, insouciant, frais et intense nous
transporte. Sous la latitude exotique du Brésil, j’espère vous avoir emporté
dans cette romance estivale et atypique. Elle m’a été inspirée par l’ambiance
évanescente et nostalgique d’« Anthonio » de la chanteuse Annie.
Au
détour de mes recherches sur la culture locale, un autre morceau est venu
étoffer cet univers, « Garota de Ipanema » d’Antonio Carlos Jobim, ledit
fondateur de la bossa nova. De quoi prolonger le plaisir en musique :)
Merci d’avoir lu cette romance fantastique. N’hésitez pas à partager vos impressions en laissant un commentaire ! Vous pouvez aussi découvrir gratuitement l'anthologie « Destinations Inconnues » dans laquelle elle s'inscrit sur Amazon ou Kobo.
Soyons toujours
respectueux de ceux que nous rencontrons sur notre route, que nous soyons
amenés à les revoir un jour ou pas.
Chaleureusement,
Sélène.
Pour en savoir plus sur mes activités de plume ou
simplement échanger, rejoignez-moi.
Twitter : @selene_derose
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